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Derrière sa marque phare K-Team, le sous-traitant de Vallorbe développe et produit des solutions électroniques à la carte.
C’est l’histoire de deux entreprises – Gigatec et K-Team – issues de deux mondes très différents. La première est liée à la sous-traitance et à la fabrication industrielle, la seconde – issue de l’EPFL – est active dans la robotique d’éducation et de recherche. Ces deux entités se sont mariées pour concevoir des produits électroniques et des systèmes embarqués très spécialisés. Ceux-ci trouvent leurs applications dans de multiples domaines, dont l’horlogerie et le chronométrage. Le mariage de la carpe et du lapin, avec leur savoir propre, permet à cette échelle de faire naître de singuliers produits high-tech.
L’entreprise Gigatec, fondée en 1977 avec l’ouverture d’une chaîne de montage de circuits électroniques, a été reprise par Mario Aellen début 2001, la même année où il devient administrateur de K-Team, alors installée à Préverenges. Cette dernière a été créée six ans plus tôt pour développer et commercialiser un robot mobile du nom de «Khepera», né dans le laboratoire de micro-informatique de l’EPFL, qui est vendu dans les hautes écoles et centres de recherche partout dans le monde. Son premier algorithme permettait d’éviter les obstacles, tâche désormais quotidienne des aspirateurs autonomes.
Trois frères
«Khepera» et ses frères «Koala» et «Kilobot» (né, lui, à l’Université de Harvard et donc sous licence) ont fait la renommée de K-Team dans le monde universitaire. Ces outils modulables permettent aux chercheurs en robotique de développer leurs propres produits et algorithmes. De taille réduite, «Kilobot» peut fonctionner de façon très basique dans une collectivité, comme la fourmi, pour parvenir à réaliser des tâches complexes grâce à l’intelligence collaborative. «Nous fournissons une plateforme ouverte et une solution clés en main qui permettent aux chercheurs de valider leurs travaux sur de nouveaux robots et systèmes, avant de les produire», indique Mario Aellen.
K-Team a également fait les titres des magazines en créant un robot jockey appelé à remplacer les enfants – âgés parfois de moins de 7 ans – utilisés dans les courses de chameaux au Qatar, dans des conditions inhumaines et dangereuses. Développé sur mandat des autorités de ce pays et lancé en 2005, le robot de forme humanoïde et télécommandé réagissait aux ordres et incitations des entraîneurs. Pendant quatre ans, l’entreprise vaudoise a élaboré plusieurs modèles de ce faux jockey, le réduisant à une petite mécanique sans visage, avant de transférer la technologie au Qatar, où il est désormais produit.
Diversification en 2007
K-Team, qui a déménagé entre-temps à Y-Parc, à Yverdon, où elle a continué à produire ses robots, voulait se diversifier dans la conception de produits électroniques. En 2007, elle commence à fabriquer des appareils de chronométrage pour le compte de TAGHeuer.
Au plus fort de la crise financière mondiale, Mario Aellen, qui a repris K-Team, décide de regrouper les deux sociétés dans la zone industrielle de Vallorbe, plus précisément dans les locaux de 700 m2 de Gigatec. C’est ici, aujourd’hui, que se trouvent la R&D et la production de la plupart des différents instruments de chronométrage professionnels de TAGHeuer Timing. L’usine dispose de sa propre ligne de montage des cartes électroniques, qui assemble les composants ainsi que les appareils électroniques.
Rapprochement avec l’horlogerie digitale
L’entreprise s’est dès lors rapprochée du monde de l’horlogerie digitale. Elle développe des mouvements et modules électroniques aux fonctionnalités multiples comme du rétroéclairage, des lampes torches et autres animations de lumière. Ce sont souvent des idées de designers qui sont appliquées à Vallorbe. «En électronique, ce qui compte dans l’industrialisation d’un produit, c’est notre expérience dans différents domaines qui ont chacun leurs particularités et leurs spécificités, remarque Claude-Alain Nessi, directeur d’exploitation. L’interaction entre nos départements développement et fabrication amène la plus-value.»
Gigatec a notamment travaillé avec un atelier de design lausannois sur une horloge de table qui affiche les heures numériques des fuseaux horaires de cinq villes dans le monde grâce à de vieilles ampoules vintage des années 60-70 type Nixie, l’ancêtre du LED. Les ingénieurs de l’équipe R&D ont conçu le hardware et le software permettant de piloter les multiples fonctions de l’horloge en mêlant technologie ancienne et moderne.
Miser sur l’horlogerie
L’entreprise peut ainsi s’approprier plusieurs mouvements et modules électroniques destinés à des montres particulières, notamment un modèle complexe pour homme d’affaires créé par un horloger américain. Elle affiche également cinq fuseaux horaires mais sur un cadran de montre de poignet métallique. Le défi consistait à concilier le système GPS, sans antenne apparente, avec le problème de l’électromagnétisme et un afficheur complexe tout en limitant la consommation.
Gigatec compte une douzaine de collaborateurs, dont la moitié à la production et assemblage, pour des séries parfois de plusieurs milliers d’unités. Pour Mario Aellen, qui compte investir dans de nouveaux équipements, la taille de l’entreprise est satisfaisante. Celle-ci produit toujours plusieurs centaines de robots K-Team – surtout «Kilobot» – par année. Mais cette activité, qui représente 15% à 20% du chiffre d’affaires du groupe, évolue «en dents de scie», tributaire des budgets alloués aux universités ainsi que de la faiblesse de l’euro.
L’industrie représente deux tiers de sa clientèle, le groupe travaillant sur des produits de toutes natures associant électronique et mécanique de précision. Les circuits imprimés de Gigatec sont destinés, entre autres, à des appareils de métrologie, des boîtiers de contrôle électroniques ou systèmes de type médical pour personnes de santé fragile. Elle assemble, en outre, des éléments électroniques pour des appareils audio très haut de gamme. Le président des deux sociétés associées souhaite accroître le nombre de projets dans le secteur horloger, qui représente actuellement 5% à 10% des affaires, mais qui est toujours en quête de créations originales et techniques Swiss made.
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