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Les entreprises qui font les marques Désormais dans le groupe de la Fondation Polyval, la Manufacture Ressorts CML produit des pièces en série pour divers secteurs.
Née dans les années 30 pour occuper les malades de tuberculose soignés à Leysin, la fabrique de Ressorts CML reste une entreprise sociale tout en répondant aux exigences de la sous-traitance dans l’industrie suisse.
Entourée de chalets au bas du village de Leysin, La Manufacture ne semble pas être une entreprise comme les autres. Elle possède un atelier protégé, spécialisé dans la fabrication de ressorts de toutes sortes, qui fournit de nombreux secteurs d’activité, principalement en Suisse, comme n’importe quel sous-traitant. Cet été, cette entreprise sociale a vécu un nouvel épisode dans sa singulière histoire en fusionnant – par absorption – avec la Fondation Polyval, dont le siège est à Cheseaux-sur-Lausanne.
«Nous fabriquons à Leysin 98% de nos ressorts à façon selon les modèles commandés», souligne Dominique Pillonel.
La Manufacture, fondée en 1930 par le Dr Auguste Rollier, qui détient la marque Ressorts CML, a changé de nom au 1er juillet dernier mais poursuit son activité industrielle. Son second atelier, à Aigle, qui occupe 60 personnes, est actif dans la mécanique (décolletage, fraisage), cartonnage, emballage, l’impression sur verre et encore un peu des puzzles. Il est aussi intégré à l’institution Polyval qui comprend ainsi neuf ateliers sur tout le canton de Vaud.
«Nous fabriquons à Leysin 98% de nos ressorts à façon selon les modèles commandés», remarque Dominique Pillonel, directeur de La Manufacture, désormais directeur d’exploitation de l’ensemble de la Fondation Polyval. Le site des Alpes vaudoises, déménagé de l’ancien sanatorium dans sa nouvelle usine en 2004, compte une cinquantaine de collaborateurs dont les deux tiers sont en situation de handicap, psychique ou physique. Ces derniers font essentiellement des travaux manuels de reprise, de façonnage et de finition, comme du pliage à l’extrémité de certains ressorts, ainsi que des opérations de conditionnement.
Autonomie et réinsertion
L’institution, sans but lucratif, a pour vocation leur intégration sociale, leur formation et le développement de capacités professionnelles qui leur apportent une rémunération. «Notre but est de les rendre polyvalents et autonomes dans leur travail et de favoriser leur réinsertion», explique le directeur.
«L’industrie suisse a évolué vers plus de flexibilité, en fabriquant des pièces en plus petites séries dans des délais plus courts et de très haute valeur ajoutée, poursuit-il. En ce cas, cela ne vaut pas la peine pour les entreprises de recourir à une production tout automatisée.» La clientèle principale de La Manufacture est l’industrie des machines-outils et d’emballage, qui représente 60% à 70% du chiffre d’affaires. Le solde provient surtout de l’industrie de précision, instruments optiques et de mesures.
La Manufacture possède un important parc de machines, en partie produites sur place. Celles-ci servent notamment au roulage, pliage et coupe de fil métallique, d’un diamètre de 6 centièmes de mm à 6 mm, afin de produire des ressorts de traction, de torsion, de compression, des ressorts plats et microressorts. Le site dispose d’un stock de 30 à 35 tonnes de matières premières sous formes de rouleaux et de tôles pour les ressorts plats. Dans les ateliers, il y a des anciennes machines à cames et des nouvelles CNC équipées de divers outillages – découpe laser, traitement thermique, contrôles par caméras, etc. – afin de produire des pièces de formes complexes. Les ressorts produits ici ont des vocations multiples: moteurs de véhicules, connectique, microsoupapes médicales, portes de garage, treuils, machines à tisser, machines à café, etc. La toute première commande honorée par la Clinique Manufacture Leysin (CML), en 1930, provenait des CFF qui utilisaient ces ressorts pour amortir les vibrations des ampoules équipant les lampes des aiguillages.
Conditions dramatiques
Les années qui suivent, la demande croît rapidement à la faveur du boom industriel, raconte Dominique Pillonel. À cette époque, il y avait près de 3000 patients atteints de tuberculose soignés à Leysin. Leur vie, «c’est l’enfer physique et matériel», lit-on dans un ouvrage sur «La Manu» édité en 2004. Pour le Dr Rollier, pionnier de l’héliothérapie, thérapie douce en regard des traitements très lourds alors en vigueur, il ne s’agissait pas simplement d’occuper ses malades, exposés aux bienfaits du soleil sur les balcons du sanatorium. Il voulait répondre à leur déprime et leur sentiment d’inutilité par des activités culturelles et de loisirs, et un travail, «ce grand régénérateur moral».
Cette activité industrielle permettait en outre aux plus démunis par la maladie d’obtenir un revenu et d’éviter qu’ils ne doivent interrompre leur traitement faute de moyens. Le Dr Rollier avait entrepris dès 1911 de construire sa clinique destinée aussi aux enfants. Il a pu démarrer le chantier, mais la Première Guerre mondiale survint et la construction du sanatorium ne s’achèvera qu’en 1930. La CML comprendra 156 lits avec un vaste solarium, une salle d’études de commerce et les ateliers dans les niveaux inférieurs. Pour la faire tourner, une fondation internationale est constituée, présidée par le directeur du Bureau international du travail (BIT).
Après la découverte de nouveaux traitements aux antibiotiques et la disparition des sanatoriums à Leysin, les patients sont remplacés dès la fin des années 50 par les personnes handicapées de la région. La Manufacture de ressorts peut ainsi rebondir et entamer sa transition. Pour l’avenir, Dominique Pillonel est serein: avec les moteurs électriques dans l’industrie automobile, la mécanique devrait diminuer, mais d’autres secteurs pourraient se profiler comme clients.
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