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Le sous-traitant du Sentier a connu une forte croissance ces dernières années grâce à de gros investissements
Près de 170 machines de décolletage de grandes dimensions dans une seule halle: c’est la vision impressionnante qu’on peut avoir dans l’usine Kif Parechoc au Sentier. Cet équipement moderne très automatisé lui permet de fabriquer des millions de pièces de haute précision, de la plus simple à la plus complexe, destinées à l’industrie horlogère. On mesure ainsi la forte croissance enregistrée ces dernières années par cette société appartenant au groupe jurassien Acrotec et qui est active dans de nombreux métiers de la sous-traitance. Elle compte aujourd’hui près de 185 employés à la vallée de Joux. «Sans le décolletage, activité historique de l’entreprise, Kif ne serait sans doute pas ce qu’elle est aujourd’hui, observe le directeur général, Cyrille Mathieu. Nous faisons probablement partie des leaders de la sous-traitance horlogère. Nous pouvons répondre à quasi toutes les demandes de composants pour les mouvements mécaniques.»
Phases difficiles
Kif Parechoc est pourtant passée par des phases difficiles dans son histoire, elle a été parfois en péril. Créée en 1944, l’entreprise était spécialisée, comme son nom l’indique, dans la production d’antichocs, ce petit système d’amortisseur qui protège l’axe du balancier de la montre, un élément fragile en cas de chute. Dans les années 80, la société s’est diversifiée dans divers domaines, produisant notamment des pièces décolletées pour les transports. Elle a ainsi survécu à la crise horlogère.
Acrotec SA, qui venait d’être créée, a repris la société du Sentier début 2007, alors que le groupe commençait à constituer un pôle indépendant de fabricants de composants de haute précision. Il regroupe actuellement quatorze usines de production. Lors de l’acquisition de Kif Parechoc SA, il a décidé qu’elle se concentrerait sur l’horlogerie, entraînant le licenciement d’une cinquantaine d’employés. «Les premières années après la reprise de la société ont été très compliquées», remarque Cyrille Mathieu, micromécanicien de formation arrivé dans l’entreprise en 2011 comme directeur de production. Dans cette phase, l’économie mondiale a été secouée par une grave crise financière entre 2008 et 2010, année qui a vu l’effectif retomber sous la barre des 100 collaborateurs.
Toutefois, dit-il, depuis lors, la société n’a fait que croître, le groupe lui permettant d’investir «massivement dans les moyens de production de cette entreprise qui était vieillissante, mais également dans les ressources humaines et l’organisation». Elle n’a même pas ressenti le ralentissement dû à la fin du taux plancher de l’euro face au franc en 2015, qui a provoqué une baisse sensible des exportations horlogères. «À ce moment-là, nous avions déjà développé et industrialisé de nouveaux composants.» De plus, le sous-traitant a profité de la volonté du groupe Swatch de ne plus livrer ses mouvements ETA à ses clients tiers, obligeant certaines manufactures à développer leurs propres produits.
STS, une autre filiale du groupe (active dans la galvanoplastie) qui occupe le site du Sentier, ayant aussi besoin d’espaces, Kif a aménagé son nouvel atelier de décolletage et s’est étendu sur un nouveau site au Brassus. La production occupe désormais environ 8000 m2. Les effectifs, passés de 100 personnes en 2010 – à la sortie de la crise – à 140 durant cette année 2015 de grande incertitude, ont gonflé parallèlement aux affaires. Aujourd’hui, l’entreprise produit quelque 95 millions de pièces par année. On parle ici de micropièces, pour la plupart d’une précision de plus ou moins 2 microns! De Genève à Bienne en passant par la Vallée, elle fournit presque toutes les manufactures de montres haut de gamme. Ce succès d’un sous-traitant indépendant actif dans de multiples métiers signifie-t-il que la stratégie des grandes marques de verticaliser la production à l’interne bat en retraite? «C’était un besoin des manufactures car elles voulaient maîtriser l’ensemble des savoir-faire de la production de pièces, répond Cyrille Mathieu. Il était aussi plus facile pour elles d’obtenir toutes ces compétences sur des composants terminés et assemblés et ainsi simplifier la chaîne logistique d’approvisionnement. La sous-traitance leur donne aussi une certaine soupape de sécurité.»
Synergies dans le groupe
Outre la fabrication de pièces décolletées (rivets, vis, écrous, axes, goupilles, pignons, tambours et couvercles de barillets, etc.) – c’est-à-dire usinées par enlèvement de matière à partir d’une barre de métal –, les employés œuvrent dans le taillage, le fraisage, le roulage, l’étampage, le bleuissage, la décoration et les finitions esthétiques sur divers métaux. Kif produit aussi divers dispositifs de réglage et des assemblages de plusieurs composants qui sont produits de plus en plus sur des machines robotisées développées au sein d’Acrotec. L’entreprise bénéficie de synergies avec les différentes sociétés du groupe permettant de produire des composants tels que des barillets complets et différentes pièces de l’échappement.
Aujourd’hui encore, l’antichoc, qui protège le cœur de la montre en faisant fonction de ressort, est assemblé à la main. L’automatisation de cette opération n’est pas encore au point. Tout comme pour la raquetterie, l’ensemble des pièces du dispositif qui sert à régler l’avance ou le retard de marche de la montre. Une trentaine de personnes sont occupées à ces deux tâches manuelles.
Désormais, la croissance de l’entreprise, dont les investissements représentent quelque 10% de son chiffre d’affaires annuel (non dévoilé), devrait se limiter à 3-4%. Ce qui est «acceptable et logique», selon son directeur général. Relativement indépendant, dit-il, dans sa gestion au sein du groupe – dont la majorité est détenue par un fonds d’investissement industriel –, il est très confiant en l’avenir de Kif Parechoc. À la condition de rester à la pointe des nouvelles technologies qui pointent leur nez, comme l’impression 3D ou les nouveaux lasers.
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