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D’un côté, une poignée de marques se renforcent chaque jour. De l’autre, une majorité sont à la peine. C’est bien? C’est mal?
Oui, nous allons parler de montres. Encore. Il faut dire que la semaine a été si chargée sur le front de l’industrie horlogère que nous n’avions simplement pas d’alternative. Jugez plutôt.
Mardi, la Fédération horlogère (FH) a communiqué les statistiques d’exportations 2018. L’an dernier, la Suisse a envoyé précisément 23 737 147 montres à l’étranger. En francs: 19,9 milliards. Depuis 2000, cette somme a non seulement doublé, mais les volumes ont chuté d’un tiers. En clair, le prix moyen à l’exportation des montres suisses a explosé. De 313 à 840 francs, dixit la FH.
Au-delà du prix
Toujours mardi, LVMH s’est félicité d’une «nouvelle année record tant au niveau des ventes que des résultats». Question montres, le groupe français possède 3,5 marques: Bulgari – qui compte pour moitié puisqu’il s’agit surtout d’un joaillier –, TAG Heuer, Hublot et Zenith. Le groupe français faisait état «d’une excellente année pour Bulgari et d’un bon développement de Hublot et TAG Heuer».
Jeudi, Swatch Group. Chiffres en hausse, cote de popularité auprès de la communauté financière en baisse. Détail intéressant, le géant aux 18 marques regrettait notamment «d’importants retards de livraison, avant tout pour les produits Omega et Longines».
Lisons entre les lignes. On assiste aujourd’hui à la naissance d’une horlogerie à deux vitesses. Et on ne parle pas ici que d’une question de prix. Oui, bien sûr, l’irruption des montres connectées a douloureusement esquinté les volumes de leurs concurrentes directes, les marques d’entrée de gamme. Alors que le milieu et le haut de gamme en ont profité pour se renforcer.
L’écart se creuse…
Mais il s’agit surtout d’une question de puissance de feu. Les, disons, 15 plus importantes marques (en termes de chiffre d’affaires) sont en train de s’envoler. Elles sont ressorties plus fortes que jamais du trou d’air de 2015. Elles grappillent de nouvelles parts de marchés (ex: Rolex, Cartier), consolident leur distribution (ex: Audemars Piguet) et investissent massivement dans l’outil de production (ex: Omega, Patek Philippe).
En face, des dizaines de marques plus modestes sont à la peine. Et souffrent encore davantage si elles sont indépendantes. Ce constat se vérifie dans les chiffres de la FH, dans la communication institutionnelle des entreprises et surtout en suivant l’actualité de cette industrie semaine après semaine.
… mais l’emploi progresse
En résumé: avant, beaucoup de marques de tailles moyennes produisaient, ensemble, d’importants volumes. Aujourd’hui, certaines d’entre elles sont devenues géantes et puissantes quand d’autres doivent lutter contre de violents vents contraires. C’est bien? C’est mal? On le saura peut-être dans cinq ou dix ans. Quand tout le milieu se sera réorganisé pour répondre à cette nouvelle donne.
En attendant, selon des estimations de la Convention patronale récoltées vendredi, le nombre d’emplois dans l’horlogerie a grimpé de 37 000 à 57 800 entre 2000 et 2018. Et voilà peut-être le chiffre le plus important à retenir pour cette semaine.
Valère Gogniat
LE TEMPS |