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Visite de Sigatec, la manufacture de silicium d'Ulysse Nardin
 
Le 12-07-2018

Visite guidée de la salle blanche chez Sigatec, pour découvrir comment sont fabriqués les composants horlogers en silicium. Une première.

Le sable de silice constitue l'un des éléments chimiques les plus abondants sur terre. Connu et employé dans l'univers électronique depuis les années 1960-1970, son découpage pour les capteurs de mouvements des airbags de voitures dans le courant des années 1980 a permis de faire faire des progrès significatifs à la technologie permettant son usinage.

Entre photographie et découpage ionisé

Certaines marques horlogères attirées par les technologies avancées, comme Ulysse Nardin, ont cru en leur exploitation pour certains composants sensibles demandant des précisions extrêmes et se sont lancé dans l'aventure. Aujourd'hui, associée à Sigatec à hauteur de 50 pour cent, la marque poursuit son développement dans le secteur afin de conserver une longueur d'avance.

La gravure profonde du silicium par photolithographie, appelée communément Drie (Deep Reactive Ion Etching), permet des usinages en série avec des tolérances de l'ordre du micron. Elle a été employée par Ulysse Nardin dès 2001 pour la montre Freak. Cette performance a attiré l'attention et poussé d'autres marques formées en un pôle de travail (Patek Philippe, Rolex et le Swatch Group, et le Centre suisse d'électronique et de microtechnique) à se pencher sur la question pour la mise au point de nouveaux types de spiraux et de composants durs et légers.

Dur, léger, insensible au rayonnement magnétique, il sert à la réalisation d'éléments destinés à ce que les horlogers appellent le groupe de régulation. Il est ainsi possible de fabriquer des spiraux, des balanciers, mais aussi des ancres ou des roues d'ancres.

Pilotée par Marc-André Glassey, la société Sigatec, née en 2006, est aujourd'hui capable de fabriquer des spiraux d'une fiabilité incroyable. Mais l'entreprise devra attendre l'horizon des années 2020-22 et l'échéance du brevet CSEM pour pouvoir servir les marques susceptibles de s'intéresser à cet assortiment en silicium capable de garantir une précision supérieure.

Pénétrer dans un autre monde

Bien des choses ont été dites sur ces composants, mais personne n'avait eu la chance jusqu'à présent de pénétrer dans une salle blanche pour aller toucher du doigt cette production qui n'a, à première vue, rien de vraiment horloger. Pourtant, en matière de minutie, de précision et de doigté, tout est compatible avec le métier. Même la poussière, la grande ennemie des artisans à l'établi, est bannie en ces lieux. On doit franchir le sas de protection pressurisé, enfiler la combinaison spéciale permettant de ne laisser échapper aucune poussière, mettre des gants, une charlotte spéciale et un masque. Une tenue de cosmonaute.

Mais le responsable rappelle qu'il faut bien ça car l'air est traité de façon à ce qu'il n'y ait dans l'atmosphère que quelques infimes particules par mètre cube. Même le téléphone, autorisé pour réaliser les photos, est décontaminé et ausculté pour s'assurer que rien ne peut parasiter les pièces de travail. Enfin harnaché, plus question de se gratter le nez, de tousser, encore moins de faire de grands gestes. Dans cette atmosphère, tout est mesuré, y compris les gestes, pour éviter de générer des tourbillons d'air susceptibles de faire se déplacer la poussière.

Préparation du wafer de silicium

Le plus étonnant, finalement, dans cet univers exempt de poussières est la couleur de la lumière. La teinte jaune de l'éclairage filtre les Ultra Violets, qui dégraderaient les films de masquage couvrant les "wafers" qui sont fournis à la société dans les épaisseurs demandées. Prêts à l'emploi, ils sont enduits d'un vernis epoxy chargé de matériaux réactifs.

Une fois le solvant évaporé, le wafer présente une couleur irisée et est transféré pour recevoir un masque en verre optique arborant en positif les composants à réaliser. Ce décor en chrome est collé au wafer, puis flashé par un flux ionisé chargé de dégrader la pellicule d'époxy non recouverte par le masque. Après avoir été rincée dans un bain spécial, la partie oxydée du wafer disparaît et laisse ainsi apparaître la forme des futurs composants.

Découpe au plasma des composants

L'ensemble est ensuite placé dans une machine disposant d'une cuve dans laquelle règne un vide spatial et où se trouve le wafer pour y être bombardé par un flux ionisé qui pratique une découpe de quelques micromètres de profondeur. Ce premier flashage oxydant réalisé, la machine injecte dans la cuve un gaz contenant un polymère à base de téflon qui, en se déposant de façon isotrope dans les creux, protège leurs flancs d'un décapage lors de l'exposition suivante. L'opération est répétée autant de fois que nécessaire durant les quelques minutes que prennent la découpe de la feuille de silicium. Une fois l'opération terminée, le disque traité ressemble à une dentelle futuriste. Il subit encore un traitement spécifique en fonction des composants découpés.

S'il s'agit de spiraux, le wafer part dans un four à près de 1000 degrés celsius afin d'y subir une oxydation de surface pour avoir un bon coefficient thermique. En revanche, lorsqu'il s'agit d'autres éléments de régulation comme l'ancre, la roue d'ancre ou le balancier ou même des ponts, les spécialistes traitent les composants au Diamondsyl®. Le but de cette opération de "coating" : durcir la matière afin de rendre sa surface compatible avec un usage intensif. Lorsque toutes ces étapes sont terminées, le disque est transféré à une opératrice qui en contrôle optiquement la surface.

Du fournisseur à l'assemblage

Et les composants conformes sont séparés manuellement du wafer comme on le ferait d'un fruit de la branche d'un arbre: ces éléments ne sont plus solidaires de la structure en silicium que grâce à des attaches très fines. Ils sont ensuite réunis par catégorie et, pour les spiraux, par qualité et grade de précision. Toutes ces petites pièces ayant nécessité une usine dernier cri pour être réalisées sont garantis 10 ans par Sigatec etparfaitement emballées et référencées pour être envoyées à la manufacture Ulysse Nardin ou aux éventuels clients de l'entreprise pour rejoindre les différents ateliers.

Dessin de ce que donne la succession des flashages sur le wafer de silicium.Dessin de ce que donne la succession des flashages sur le wafer de silicium.Courtesy of Sigaec / Ulysse Nardin
Là, elles seront assemblées de façon traditionnelle et montées dans les montres pour lesquels elles ont été conçues, assurant aux instruments d'horlogerie équipés une performance et une précision supérieure à ce que peuvent garantir les mêmes composants réalisés dans des matériaux traditionnels.

Par Vincent Daveau
www.lexpress.fr

 



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