Découvrir les plus belles mécaniques et les histoires passionnantes des horlogers: dans le Pays de Neuchâtel, les manufactures ouvrent leurs portes et les artisans font découvrir leur savoir-faire.
Le méticuleux travail de l'émailleuse, l'ouvrage délicat de l'ouvrier qui pose les aiguilles, le savoir-faire précis sur le cadran ou la découpe minutieuse des centaines de composants qui permettront d'assembler une grande complication: l'univers de l'horlogerie suisse regorge de métiers, de techniques, de trésors de secrets dans ces temples que constituent les manufactures horlogères.
Au coeur des montagnes neuchâteloises, certaines de ces manufactures ouvrent leurs portes aux passionnés et aux curieux. «Nous avons d'abord engagé une première collaboration avec Corum en 2014, qui a accepté une visite chaque mardi à La Chaux de Fonds. Nous cherchions une deuxième collaboration avec une autre entreprise de renommée internationale: ça s’est fait avec Zenith au Locle», situe Gabrielle d’Aloïa, de Tourisme neuchâtelois. Des visites en petits groupes, car ces sites restent avant tout industriels et il ne s'agit pas de perturber la concentration et le travail des horlogers de ces maisons d'exception.
La sauvegarde des étampes par Charles Vermot
«Avoir la possibilité de découvrir Zénith, la seule manufacture qui soit toujours restée sur le site choisi par le fondateur voici plus de 150 ans, et suivre intégralement le processus de fabrication d’une montre, sans perdre une seule étape, c’est une chance exceptionnelle », ajoute Stéphanie Bavaresco, responsable du projet horlogerie chez Tourisme neuchâtelois, qui note aussi que ces visites en petit comité (8 à 10 personnes au maximum) permettent de profiter au mieux de ce parcours et des rencontres avec les horlogers.
Au fil des couloirs, les esquisses se muent en minuscules pièces, les blocs de métal sont polis, les visiteurs observent les ouvriers saisir chaque pièce au bout d'une petite pince et la placer délicatement à l'emplacement prévu. La concentration est à son paroxysme. La loupe fixée sur l'oeil, chacun des ouvriers reste focalisé sur sa tâche, ne remarquant la présence des visiteurs qu'après de longues minutes. Certains viennent toutefois expliquer leur travail aux visiteurs et leur préciser l’importance de leur apport.
Soudain, on se dirige vers un petit escalier et le groupe se rertrouve dans un grenier. Là trônent plus de 150 étampes sur des tables et des étagères. «Voici le trésor de Charles Vermot. En 1970, quand le propriétaire américain de l'époque décide de miser sur le quartz et de renoncer aux montres mécaniques, il donne l'ordre de détruire les moules, dessins et pièces servant à fabriquer les mouvements. Le responsable de l'atelier 4 de la manufacture, Charles Vermot, après avoir échoué à convaincre sa hiérarchie de conserver les étampes, décide de désobéir et, un soir, il cache dans des caisses en bois dans un grenier les 150 étampes, soit plus d'une tonne qu'il a portée patiemment, à l'insu de ses collègues. Et neuf ans plus tard, quand les nouveaux propriétaires ont voulu reprendre la production de montres mécaniques et notamment du célèbre mouvement El Primero, ils étaient bien dépourvus. C'est Charles Vermot qui leur a alors ouvert le grenier et a permis de reprendre la production avec ces moules de métal», narre la guide, Stéphanie Bavaresco.
Les successeurs de Charles Vermot, le visiteur les croise au fil de sa visite: plusieurs d'entre eux quittent leur atelier et viennent expliquer leurs rôles respectifs dans l'enfantement d'une mécanique de précision. Pas moins de 80 métiers se relaient pour donner naissance à une montre mécanique. En trois heures de visite, le visiteur peut comprendre l'ensemble du processus de fabrication d’une montre.
Cependant, la visite ne se limite pas à une promenade au milieu des ateliers. Le partenariat entre Tourisme neuchâtelois et Zenith a permis de scénographier le parcours, grâce au savoir-faire de spécialistes de la muséographie. Des panneaux explicatifs rythment la progression de la visite et la guide déclenche des vidéos et autres expériences interactives depuis une tablette. Des notions et des pièces comme la fréquence, l’établissage, l’étampage, la réserve de marche ou encore le magnétisme prennent du sens avec cette mise en scène extrêmement didactique et immersive.
Des ateliers horlogerie chez les artisans
Le summum est atteint lors du passage dans «Le monde étoilé de Zenith»: le visiteur est plongé dans une atmosphère nocturne rappelant le ciel qu’admirait Georges Favre-Jacot, fondateur de la manufacture, quand il quittait sa demeure pour rejoindre les ateliers. «Il visait l’excellence et l’exigence la plus élevée, donc le zénith et c’est ce nom qu’il a donné à un garde-temps, puis à la marque, avec cette étoile devenue le symbole que l’on connaît», narre Stéphanie Bavaresco. Dans cet espace, des chronomètres de marine aux modèles lauréats de prix prestigieux en passant par les horloges, c’est un véritable panorama du savoir-faire de la marque qui se déroule sous les yeux des visiteurs.
Et pour ceux que cette découverte ne suffirait pas, Tourisme neuchâtelois dégaine une autre carte: des ateliers horlogerie. Plusieurs offres coexistent: «Nous avons un atelier au cours duquel le participant peut monter sa propre montre, faisable le week-end, avec initiation à l’horlogerie qui dure 1h. C'est l'idéal pour appréhender la complexité du travail, le besoin de précision et de patience. Sinon, nous proposons plusieurs autres ateliers de 4h pendant lesquelles on choisit les composants d’habillage d’une montre ou encore le mouvement, on les assemble et on repart avec son garde-temps», détaille Gabrielle d’Aloïa.
Ainsi, à l’atelier LMEC (Le Monde Est Carré), Sébastien Arcidiacona accueille néophytes et passionnés en blouse blanche. Assis à l’établi, chacun peut suivre les conseils du professionnel et visser, dévisser, pincer les aiguilles, fixer le cadran pour assembler une montre sur la base d’un mouvement mécanique.
Visites de manufactures, ateliers, mais aussi des musées ou encore des rencontres avec des artisans, dont une émailleuse sur cadrans. Et pour ceux qui ne seraient pas rassasiés, direction La Chaux-de-Fonds pour une visite urbanistique et architecturale. Au fil des rues de la cité haute du canton, le patrimoine témoigne de la vocation horlogère du bâti local. Un patrimoine reconnu à l'échelle mondiale avec l'inscription au Patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO. Mais un patrimoine qui n'appartient pas qu'au passé: 27% des actifs de la cité travaillent dans le secteur horloger et les marques prestigieuses continuent de miser sur l'expertise locale. Au fil du parcours dans les rues de la Chaux de Fonds, passé et présent se mêlent et s'entremêlent sans cesse.
Toujours ces deux notions croisées si l'on passe du Musée international de l'horlogerie, avec ses magnifiques pièces d'exception et son travail didactique, aux restaurants et chambres d'hôtes de la ville, installés dans d'anciens sites horlogers. De quoi oublier le temps qui passe, sans jamais omettre de le mesurer, l'espace d'un week-end.