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Bracelets, accessoires, design: les sous-traitants ont su développer des stratégies pour prévenir les aléas de la conjoncture
Le volume d’affaires est reparti à la hausse, ont constaté les 820 entreprises présentes au récent salon de la sous-traitance EPHJ. Les fournisseurs de l’horlogerie, des medtech et de la microtechnologie ont dû cependant se diversifier et adapter leur offre ces dernières années. Témoignage de quatre d’entre elles.
Protexo ou le bracelet artisanal 100% swissmade
Bracelets Protexo SA, manufacture basée à Chêne-Bourg (GE), a l’habitude de vivre au gré des fluctuations de la conjoncture horlogère, mais les deux dernières années ont été rudes. Jérôme Ducimetière est soulagé: «Les affaires reprennent, nous avons déjà réengagé une personne, avant de repourvoir un autre poste». Avec dix employés, l’entreprise familiale, 100% swissmade, fournit une cinquantaine de clients, dont «dix entreprises phares, indépendantes ou intégrées à de grands groupes». De la R&D à la production, elle assure 1500 pièces par mois environ, livrables dans les 4 à 6 semaines.
«Nous avons survécu à l’augmentation des volumes des années 80 et à la mondialisation des années 90. Les affaires reprennent, et nous réembauchons»
«La majorité de nos clients est suisse. Cette proximité est un atout, avec le fait main, la régularité, la qualité et la personnalisation», souligne le père, Robert. Un bracelet nécessite 80 étapes de fabrication, et Protexo peut adapter chacune d’elles au goût du client. Les peaux (alligator, veau, autruche, lézard, python) sont achetées déjà tannées et teintées. La concurrence du bracelet en caoutchouc a également été ressentie ces derniers temps. «Mais nous avons survécu aux années 80, lorsqu’il fallait augmenter les volumes et baisser les coûts, et à la délocalisation d’entreprises dans les années 90 - 2000», rappelle Robert Ducimetière. Protexo se diversifie toutefois avec un peu de maroquinerie, toujours avec le «100% Manufacturé à Genève».
Lucrin ou la maroquinerie industrialisée
Tout autre profil avec Lucrin, fabricant d’accessoires en cuir, soit en nom propre, via des commandes personnalisées sur son site Internet, soit en «marque blanche», selon une répartition 40% - 60%. «Nos clients, marques horlogères ou banques, achètent pour eux ou en guise de présents», détaille le fondateur Mehdi Chaker. Cette double vitesse permet à la société de s’affranchir des conséquences lorsque l’horlogerie est en recul. Mais c’est en passant à l’industrialisation, en 1996, que Mehdi Chaker a mis sur les rails sa société, créée en 1994. «J’ai découvert en Allemagne une machine capable de produire de grands volumes, de pochettes, étuis ou sacs en cuir». Un premier site de production est construit en Tunisie, puis, à la demande de clients horlogers, un deuxième en Espagne, et, enfin, un troisième à l’île Maurice, pour les pièces estampillées Lucrin. «Il y a sur cette île une vraie compétence pour les peaux comme le crocodile ou l’autruche». Un designer conçoit des collections de sacs pour dames et hommes.
«Il nous faut convaincre les grandes marques de s’adresser à nous, car elles sont souvent fidèles aux mêmes fournisseurs depuis des décennies»
Si la conjoncture se contracte, fermer une ligne de production suffit, sans devoir opérer de gros licenciements. Lucrin emploie 150 personnes au total. Le plus difficile? «Convaincre de grandes marques de s’adresser à nous, car elles sont souvent fidèles aux mêmes fournisseurs depuis des décennies».
MHA ou l’accessoire haut de gamme
Les accessoires haut de gamme sont la spécialité de MHA, Manufacture de Haute Accessoirie, qui produit de A à Z, sur son site de Meyrin (GE), des articles de luxe en «marque blanche». «Nos clients, des marques prestigieuses de l’horlogerie-joaillerie, les vendent sous leur nom ou en font des cadeaux», souligne Catherine Masson, responsable commercial et marketing. MHA gère la logistique et peut aussi assurer le service après-vente, un modèle unique en Suisse. Les 99% de la production sont pour le moment constitués de designs uniques. Briquets de luxe, pince-billets, porte-clefs ou «instruments d’écriture» en sont quelques exemples. Chaque pièce est une œuvre d’art, par les matériaux utilisés (or, laiton galvanisé, diamants, laque, cuirs, caoutchouc, etc.), et la façon de les juxtaposer.
«Tous nos articles de luxe sont produits pour des marques prestigieuses de l’horlogerie-joaillerie»
Des machines laser dernière génération gravent initiales, noms, armoiries, et permettent de reproduire sur métal n’importe quelle texture (bois, ardoise, ballon de basket…), pour orner boîtes et cadrans de montre. La modernité est présente, avec un porte-clés connecté localisable en cas de perte, technique aussi implantée dans des boucles de montres. «La technologie ne doit pas occulter le produit». MHA développe aussi une ligne d’objets génériques personnalisables ne nécessitant pas pour ses clients de développement spécifique.
Multiple ou le design taillé sur mesure
Ouverture et curiosité sont dans l’ADN de Multiple SA Global Design depuis sa création en 1974. Basée à La Chaux-de-Fonds, l’entreprise de 25 employés a dessiné des objets aussi divers que des instruments de mesure, du medtech et des produits connus du grand public. Les machines à café Nescafé Dolce Gusto, c’est elle. Une planche à repasser Laurastar, elle aussi. Des bornes de jeux de la Loterie romande, elle encore. Loisirs (Salomon), transports (Siemens), médical (Biomérieux ou Metler Toledo), l’entreprise aborde tous les secteurs. À ce jour, plus de 500 produits placés sur le marché, pour plus de 200 clients.
«Le design n’est pas juste un dessin, c’est une approche globale. Une machine doit être efficace, séduisante et ergonomique»
Quel que soit l’interlocuteur, et sa taille, une philosophie prime. «À qui le produit est-il destiné? Pour quel usage? Dans quel environnement? Le design, ce n’est pas juste un dessin, c’est une démarche et une approche globales. Nous souhaitons idéalement être associés au projet dès le début», explique Sébastien Dassi, codirecteur. À noter que les PME, dans de nombreux secteurs, montrent un intérêt croissant pour intégrer le design dans l’élaboration de leurs produits. Des secteurs s’ouvrent, comme celui de la machine-outil. «Une machine ne doit pas seulement être efficace, elle doit être aussi séduisante et ergonomique. La technicité seule, sans une esthétique identifiable, ne suffit plus», résume Éric Tissot, responsable marketing.
Par Ivan Radja
24heures.ch
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